lundi 19 mai 2008

DIPLOMATIE AU VANUATU

















Cette histoire se déroule dans l’île de Malikolo. Vous pouvez aussi l’appeler Malekula, c’est selon votre bon plaisir. L’archipel s’appelle maintenant le Vanuatu, depuis qu’il est indépendant. À l’époque, il s’appelait l’archipel des Nouvelles-Hébrides et il était placé sous le gouvernement conjoint de la Grande Bretagne et de la France. On appelait ça un condominium. De cette formule de gouvernement il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire ... et beaucoup à rire, parfois à pleurer;


J’en donnerai juste quelques aperçus car ce n’est point là mon propos d’aujourd’hui.
On peut constater tout d’abord que, les Anglais roulant à gauche, et les Français à droite, pouvaient naître certains problèmes. J’ai connu de vieux planteurs qui n’auraient cédé pour rien au monde lorsqu’ils se trouvaient face à un véhicule venant sur le même côté de la route, mais en sens inverse. On peut imaginer le genre d’apostrophes qu’ils pouvaient s’adresser en ces occasions !


Pour aller vite, on peut raconter aussi l’histoire de la fourrière de Port-Vila, la capitale.






Il faut pour cela noter qu’il n’y avait pas aux Nouvelles-hébrides deux, mais bel et bien trois administrations puisque l’assemblée du Condominium avait aussi son mot à dire : elle réunissait des représentants Anglais, des représentants français et des autochtones.


L’assemblée condominiale, un jour, constatant qu’il y avait de plus en plus de chiens et de chats errants à Port-Vila, décida de la construction d’une fourrière. La fourrière construite ... Qui allait payer le fonctionnement et l’entretien des animaux ?
Après moult palabres, exposé des exigences et des concessions possibles, on décida ... Que les chiens seraient anglais et les chats français ! Et cela fonctionna ainsi !


Il y aurait beaucoup de choses à raconter encore. je vous laisse imaginer, mais peut-être reviendrai-je un jour, sur les “joyeusetés du condominium” !


Pour le moment, c’est de la visite d’un Ministre qu’il s’agit. Une visite à Malikolo. Il s’agit, si mes souvenirs sont bons de Monsieur Bourgès-Maunoury, Ministre de la France d’Outre-mer, sous la Présidence de Charles de Gaulle. C’était dans les années soixante.










Je n’étais pas à Malikolo, mais je résidais dans une île du même archipel et l’un de mes amis résidait, lui, en tant que médecin, dans l’île en question;


Il faut dire quelques mots à propos de ces îles. Îles hautes, volcaniques, aux plages noires, aux terres sombres, aux frondaisons impressionnantes en épaisseur et en hauteur : La forêt primitive dans toute son acception, impénétrable et foisonnante. Il pleut souvent et il fait souvent chaud. Philodendrons, lianes, de rares oiseaux du genre pigeons ou tourterelles et des cochons sauvages.


Quelques rares européens, dans des boutiques où l’on vend de tout. Les autochtones sont des Mélanésiens vivant leurs coutumes et se réunissant le soir ( Seulement les hommes) sur la place du village, (le nakamal) pour boire le kava ( drogue douce ayant des effets oniriques ). Autour du nakamal, des cases de bambou à toit de roseaux.


À Malikolo vivent deux peuples : Sur les rivages, les “Small Nambas” et dans l’intérieur de l’île, les “Big Nambas”. ( je schématise, que l’on me pardonne).








Savez-vous ce que l’on appelle le “namba” ? Eh bien voilà : Les gens des deux peuples vivent nus. Les mâles des deux peuples cachent leur sexe dans un étui attaché autour des reins par des brins de raphia ou de quelque chose qui y ressemble, afin, sans doute, de figurer une érection permanente.


Le reste de la description de cet attribut, on peut le déduire des noms qu’on lui donne :


Les Big Nambas portent un étui pénien qui est beaucoup plus long que celui des Small Nambas !
Orgueil ? Machisme ? Prétention ? J’ai vu des photos, les étuis péniens des Big Nambas sont vraiment impressionnants et peuvent laisser rêveur !


Les Big Nambas sont chez eux. Ils acceptent les gouvernements qui les dominent, mais c’est à leurs conditions :


-” Tu vois, dira le Chef des Big Nambas au Ministre qui leur rend visite. Tu nous promets la construction d’un hôpital. C’est bien, mais tu sais, quand on est dans la pirogue, si on pagaie d’un seul côté, la pirogue ne va pas droit, alors, nous, on pagaie des deux côtés.” Il sous-entendait par là qu’il sollicitait l’aide de la France, mais qu’il ne s’interdisait pas pour autant de solliciter aussi celle des Britanniques. Fierté et sagesse et la pirogue ira bien droit !






Pour aller chez les Big Nambas, il faut demander l’autorisation plusieurs jours à l’avance et respecter les coutumes : On doit envoyer un émissaire chargé de présents : Un coupon de tissu, un paquet de tabac, un billet de banque ...


Les Big Nambas voulaient bien recevoir le Ministre français. Celui- ci allait décorer le Chef des Big Nambas. De quelle décoration s’agissait-il ? _ Il ne m’en souvient guère et, au fond, il importe assez peu. Une décoration avec une médaille et un ruban de couleur, comme toutes les décorations qui s’accrochent à la poitrine des récipiendaires ...


Vous avez parlé de la poitrine ?
Eh bien justement ... Parlons-en ! Monsieur Bourgès-Maunoury, Ministre de la République Française et du Général Charles de Gaulle s’apprêtait à remettre la décoration piquée sur un coussin ...


Mais allez-donc épingler une décoration sur la poitrine d’un homme nu des pieds à la tête, portant pour tout vêtement un orgueilleux étui pénien ! Perpléxité ... O ! Solennité de l’instant !


Je ne sais qui trouva la solution : On passa un collier de ficelle autour du cou de ce Chef et le Ministre accrocha la médaille à la ficelle.














Ce fut après, que le Ministre prononça le plus sérieusement du monde un discours dans lequel il promettait de faire constrire un hôpital. Et ce fut après que le Chef des Big Nambas fit un exposé sur la meilleure façon de pagayer lorsqu’on est dans une pirogue.


Quelques années plus tard, la pirogue devait aller seule, l’archipel étant devenu indépendant sous le nom du Vanuatu.


Le Vanuatu est maintenant une destination touristique. La longueur des étuis péniens est-elle pour quelque chose dans son succès auprès des touristes ? Je suis certain que l’on pourrait répondre par l’affirmative !

samedi 17 mai 2008

LE ROI DU LAOS
















C’était en 1973, je crois. Je me trouvais à Vientiane, capitale du Laos.


Poussière rouge recouvrant les maisons et les arbres, odeurs de frangipannier , robes safranées des bonzes et bonzillons, pagodes aux toits d’or, portes sculptées, cyclo-pousses et vieux taxis déglingués. Marché du matin et marché du soir, balanciers de bambou sur l’épaule pour porter les marmites de soupe. Des oies, des poules, des ours enchaînés et , tout au fond, dans l’ombre, les baraques de bois bancales des fumeries d’opium. Le Mékong insane roule ses humeurs jaunes. De l’autre côté, c’est un autre pays, auquel on n’accède pas, mais on voit passer des fantômes sur la rive.


Situation étrange d’un pays en état de guerre. J’habite une ville fermée. J’ignore le pays voisin, auquel nous n’avons pas accès.


Situation étrange d’un pays sur lequel règne un Roi qui réside à Luang Prabang, ville mythique. Mais le pouvoir est à Vientiane où siège un Prince du sang.


Situation étrange d’un pays dont la majeure partie est occupée par les troupes d’un autre prince du sang, aidées par celles des voisins vietnamiens.








À Vientiane, nous avons vu entrer, silencieux, les soldats du Pathet Lao, inquiétants. Ils sont allés dans leurs casernes et on ne les a revus que lorsque l’un d’entre eux, en mobylette, allait faire ses courses en ville.


Étrange situation figée, incompréhensible : Les troupes ennemies sont en présence dans la même ville. Rien ne bouge. Dans le pays voisin, Phnom-Pen va bientôt tomber, chacun le sait. La danse de Shiva le destructeur va bientôt commencer.


Un matin, passant vers le centre ville ... Un piédestal. Il n’était pas là hier encore. Un piédestal, et rien dessus ... Le ciment n’est pas sec encore.
C’est curieux : les nations à l’avenir incertain sont celles qui édifient le plus de monuments : Tout en haut de l’avenue Lan Xang s’élève un arc de triomphe monumental, décoré d’apsaras et de têtes d’éléphants.


Le laos est le Royaume des cent millions d’éléphants ! Vous avez dit Royaume ! Pour combien de temps ? C’est sans doute cette incertitude qui pousse à l’édification, là, d’une statue ...












Le lendemain, je repasse au même endroit. Le piédestal doit avoir séché suffisamment : On a posé quelque chose dessus. Quelque chose, mais je ne peux deviner quoi car un voile le recouvre. Ce n’est pas très haut, ce n’est pas énorme ... En tout cas, ce ne peut pas être une statue ...


Je retourne voir ce qui s’est passé le jour suivant. Rien n’a changé ... Un voile cache toujours les choses. Deux policiers veillent. Les passants sont indifférents ... Sans doute en ont-ils vu d’autres !


Et puis un jour, le voile s’est soulevé : Le vent, sans doute. Les deux policiers sont toujours là. Ou leur relève très probablement.


Alors je vois ! Je vois, en bronze, une énorme paire de chaussures ! Seules, les chaussures sont là. Il n’est pas possible que l’on ait élevé un monument pour une paire de “tatanes”, si belles soient-elles ! Mais elles sont vraiment très grandes, très bien faites aussi. Une paire de chaussures montantes, solides, faites pour la marche. Alors je comprends : C’est bien une statue qu’on va élever là. Dans les pays de l’Asie du sud-est on coule beaucoup de bronze. On élève beaucoup de statues. Elles représentent des soldats, des chefs, censés symboliser l’unité de peuples qui n’en ont guère. Mais des godasses !






Puis les chaussures ont disparu pendant quelques jours et le piédestal est resté vide. Qu’allait-on vraiment faire ici ? Il m’en souvient ... C’était réellement de très grandes chaussures ... Pour quel géant ?


La fois suivante, vous en souvenez-vous très chère, vous étiez avec moi. La statue entière était sur son socle. Elle était voilée des pieds à la tête. Elle était grande, grande ... Voilée des pieds à la tête, ou de la tete aux pieds, comme vous voudrez, cachée derrière le drapeau du pays aux cent millions d’éléphants ... Mais le voile cachait mal les chaussures ... Sacrés godillots ! Énormes.


Enfin, le jour de l’inauguration, nous avons compris : La statue, fort bien réalisée d’ailleurs, n’avait pas été coulée dans la même fonderie que les chaussures. Qui avait fait l’erreur ? Je ne sais, mais l’une des deux fonderies n’avait pas respecté les proportions imposées par les artistes. Ah ! Pour ça, il avait des tatanes, le Roi du Laos !... Car c’était bien du Roi qu’il s’agissait. On avait ajusté les chaussures au reste du corps et ... Celà faisait un Roi Patagon ( Car chacun sait que la Patagonie est le pays des grands pieds. ) Lorsque le voile tomba, Au moment où jouait la musique des khens ... Nul ne broncha. Chacun regardait le bout de ses propres chaussures;










Mais le soir même, la statue avait été enlevée, corps et chaussures !


On ne l’a jamais revue car quelques jours plus tard, le Roi du Laos était destitué et Le Prince rouge prenait le pouvoir.


Il y a, quelque part dans les environs de Vientiane sans doute, une paire de chaussures à récupérer, mais on ne peut guère envisager d’en chausser la statue de Napoléon : Le Petit Caporal était bien trop petit !