mardi 8 avril 2008

CHEZ PABLO NERUDA




(Place d'armes, Santiago : monument aux peuples anciens)













“Mon cœur est un cerf-volant . Quand vous êtes venue, il s’est envolé.”


C’est la vie !


La jeune femme qui me servait de guide était charmante. Ayant vécu à paris, elle parlait un excellent Français... Un sourire !


“Mon cœur est un cerf-volant. Ah ! Coupez donc cette ficelle qui le retient !” Bondira-t-il ?
Il va retomber ! “


La maison de Pablo Neruda, à Santiago, s’appelle “La Chascona”. J’ai appris aujourd’hui que cela signifie “l’ébouriffée” ... Matilde, l’ébouriffée.




Aujourd’hui, je suis allé à Isla Negra, qui n’est pas une île et qui n’a rien de noir, ni même de sombre. “Isla Negra”, c’est un mot, juste un mot. je dois dire tout de suite que je suis heureux de cette visite. J’aurais conservé pour le restant de mes jours le regret de ne pas être allé là-bas ! Ah ! lisez donc le Mémorial de l’Île Noire !










La Nuit à l’Île Noire




“Une très vieille nuit et un sel en désordre
cognent contre les murs de ma maison :
l’ombre est seule et le ciel
est maintenant un battement de l’océan,
ciel et ombre
éclatent avec un fracas de combat démesuré :
toute la nuit ils luttent ...”








Cent vingt kilomètres de Santiago. Vous quittez la ville, vous traversez la plaine de Toulouse, sèche. Vous traversez les plateaux du Lauraguais ( à vrai dire, il y a moins de cailloux, mais c’est tout aussi désert ! ). Collines de la cordillère littorale, usées, arrondies, sèches. Vous approchez de l’océan ... Et vous pouvez imaginer que vous êtes quelque part dans les Alpilles. Vous débouchez enfin sur un paysage des Landes, très abîmé comme il y en a chez nous : clôtures de guingois, baraques de marchands de frites, vides à cette saison, terrains de camping désolants, panneaux publicitaires immenses ( Ah ! Coca Cola ! ). Tout cela attend le peuplement par les vacanciers. Il y a là toutes les formes de mauvais goût que l’on peut trouver chez nous.








Terres pelées, sèches. Une plage ... De sable noir (Vous voyez bien, qu’il y a quelque chose de noir !), autour de laquelle sont bâties des maisons de bois qui auraient besoin d’être repeintes. Bougainvillées, jacarandas en fleurs, bleus. Géraniums, ficus ...


Face à la maison de Pablo Neruda, des hurluberlus ( des “artistes contemporains” , aurait dit quelqu’un de bien connu chez nous !), des hurluberlus ont badigeonné je ne sais quoi sur les rochers, dans la mer, à grands jets de bombes à peinture. Un “buste” du poète, informe, a été cimenté sur un rocher. Comment a-t-on pu laisser là cette horreur ?


Mais aujourd’hui, j’ai décidé d’être heureux : Plus de critiques donc ! Parlons de la maison de Pablo Neruda. C’est pour elle que je suis venu ... Enfin, pour lui ! Elle a été bâtie par morceaux, successifs et disparates, juxtaposés, un peu comme la “Chascona”, l’autre maison, de santiago. On est en train de lui ajouter une extension pour y loger la collection de coquillages, qui n’a pas trouvé sa place encore.


-”Mais cette extension avait été prévue par Neruda.”


Savez-vous que la plupart de ces coquillages ont été achetés aux “puces” de Clignancourt !






La visite se déroule au galop. Peu de temps pour s’imprégner de quoi que ce soit. Peu de temps pour rêver. Vous pourriez croire que, si l’on vous bouscule, c’est parce que la visite d’un Ministre, à tout le moins, est annoncée . Mais non ! Il paraît que c’est toujours ainsi. J’ai bien essayé de protester, de traîner un peu, mais on m’a regardé soupçonneusement.


On pourrait fort bien se représenter une maison de Saint-Trojan-les Bains (Oléron, Charente Maritime )
Plafonds de bois, en forme de carène de bateau renversée. Accumulations ... Accumulations de figures de proue, de maquettes de bateaux, de verres colorés, de bouteilles, d’instruments et d’objets bizarres. Il y a une vaste pièce avec une vaste cheminée. Les murs de cette pièce sont couverts de rocaille brute et de lapis-lazuli. Corne de narval ( la licorne de mer), un cheval naturalisé, debout sur ses quatre jambes. Un vrai cheval, à robe dorée. Les amis de Pablo ont offert les harnais et autres accessoires ... sans se concerter, ce qui fait que le cheval a trois queues, dont une noire ! Étriers, selle, mors ...


_”Mais comment entretenir une maison pareille pour que ne s’accumule pas la poussière ?


-” Je pense que, tout simplement, Neruda n’était pas obnubilé par la poussière ! “






Vue superbe. ( Attention, Michel, tu fais dans les superlatifs ! ) Vue superbe sur l’Océan Pacifique. Rouleaux puissants, odeurs de varechs. Pablo et Matilde reposent dans le jardin : mort à la “Chascona”, le poète aura attendu pendant vingt ans le transfert de ses cendres à Isla Negra ...


Je suis heureux d’être venu là. Mais le poisson-girouette qui sert d’emblème, tournant à l’intérieur de l’astrolabe, sur le toit de la maison, conserve-t-il le symbole de l’Esprit ?


Il faut craindre qu’une fois de plus, un crime ne soit en train de se commettre ici. Crime de “marchands de frites” ! Malgré tout, de ma visite, me voici revenu un peu plus riche, un peu plus capable de comprendre.


Pour le retour, nous avons pris une autre route. La “plaine de toulouse” était un peu plus verte cette fois, avec quelques vignes, quelques champs de maïs. Il n’en reste pas moins que ces vastes étendues sont vides ou brûlées. Les terres appartiennent à de gros propriétaires, elles ne sont pas cultivées parce que les salaires des ouvriers agricoles sont bas, très bas. On se presse dans les faubourgs de Santiago, et la campagne est vide !








Route de l’aéroport. Des kilomètres et des kilomètres de terrains de foot, déserts à cette heure, et pelés, décapés, terre rouge. Combien de terrains de foot ?


Le chauffeur du taxi qui m’emmène, et qui baragouine un peu en Anglais, connaît le nom de Michel Platini.


Gare centrale : architecture métallique du début du vingtième siècle, importée directement de france. Sur les bas-côté, fleurs bleues de chicorée sauvage;


Et, tout à coup la merveille de la floraison d’un jacaranda !